Monsieur le Président, Mesdames et messieurs les députés,

Passée la lecture de cette déclaration UNSA-Défense, nous restons à votre disposition afin de répondre à vos questions.

Une lecture rapide voire partiale pourrait laisser penser… après tout… qu’avec un budget en hausse de 7,4% en 2023 et établi à presque 44 milliards d’euros, assorti d’un recrutement envisagé de presque 30000 personnels dont 5600 civils, sur les 10000 recrutements publics annoncés il y a quelques jours par le Ministre de la Fonction Publique, Stanislas GUERINI, portant le solde net des effectifs à +1500 comme tracé dans la Loi de Programmation Militaire dès son origine, que la route est ouverte et l’horizon dégagé pour un ministère des armées sortant de plusieurs décennies de vaches maigres. Un ministère que nous avions l’habitude de ce côté-ci de la table de qualifier de variable d’ajustement budgétaire. Pour cause, c’était la réalité.

Notre propos, puisque c’est bien l’objet de cette audition, se concentrera sur la réalité des personnels civils… au bas mot quelques 65000 agents, la seconde armée en fait.

Les personnels civils auraient pu espérer une considération comparable à celle de leurs camarades militaires en matière de nouvelle politique de rémunération. IEL, IGAR, PCSMIL, 3PM… autant de nouvelles mesures qui, espérons-le, vont améliorer le quotidien du soldat. Tant mieux pour l’UNSA. Encore une fois, les personnels civils sont les grands oubliés de cette reconnaissance. Sont-ils aussi peu indispensables au soutien, et des matériels, et des femmes et des hommes qui les utilisent pour qu’aucune mesure budgétaire ne leur soit appliquée en matière salariale ou indemnitaire ? La réponse est en filigrane dans le projet de budget Défense 2023 : oui !! Ils en seront donc pour leurs frais encore une fois, transparents, déconsidérés, relégués à des considérations de second ordre. Oubliés quoi ! Vous allez nous dire qu’ils ont bénéficié de la revalorisation du point d’indice en juillet dernier. Exact et l’UNSA l’a dit, cette revalorisation était certes indispensable mais largement insuffisante. Nous y reviendrons. Mais n’est-ce pas tout le personnel, civil comme militaire, qui a bénéficié de cette revalorisation ? L’argument n’est donc pas recevable en termes d’équité.

Mesdames et messieurs les député(e)s, comment espérez-vous remplir les objectifs d’une armée digne du 3ème millénaire avec une considération hémiplégique de ses deux composantes ? Ne vous méprenez pas dans les propos de l’UNSA, il n’est pas question de remettre en cause la ‘militarité’ de l’institution et l’engagement plus que respectable de nos collègues militaires, ce n’est pas le fonds de commerce de l’UNSA-Défense. La précédente Ministre des Armées a restauré les fondamentaux par une première partie de LPM qualifiée de ‘‘A hauteur d’homme’’. Le nouveau Ministre Sébastien Lecornu a pour mission de poursuivre cette trajectoire par la mise en place d’un budget adapté à ‘‘La haute intensité’’. L’UNSA n’est pas ignorante de la situation géopolitique et du drame que vivent les peuples ukrainiens, mais également russes, à la frontière de notre continent, et nous nous inclinons humblement devant toutes ces victimes, tout ce peuple, ces femmes et ces enfants, jetés à la rue au son insupportable des sirènes d’un attaque imminente.

‘‘La haute intensité’’… et pour les personnels civils du ministère… ‘‘ La haute précarité’’. Parlons rémunérations justement car c’est bien là que se joue aussi l’avenir de notre république et la considération de l’Etat employeur vis-à-vis de ses propres agents en sape les fondements. Comment justifier qu’un adjoint administratif, qu’un agent technique, tous deux de catégorie C, rattrapés depuis longtemps par les hausses successives du SMIC, voient leur carrière stagner durant les 9 premières années de carrière. Neuf années figées à l’indice 356 malgré l’acquisition de nouvelles compétences et une ancienneté grandissante. Quel salarié accepterait de telles conditions de rémunération ? Comment pouvez-vous expliquer que les premiers échelons des grades de catégorie B soient rattrapés par le même phénomène ? Avez-vous conscience que la revalorisation de nos ingénieurs et techniciens, ceux-là mêmes que l’institution chercher à attirer et fidéliser, vont connaître cette année une revalorisation moyenne de 33€ pour les uns, de 23€ pour les autres. Vous savez, ces spécialistes en cyber-sécurité, en renseignements, en cyberdéfense, en informatique, dans le domaine du numérique, des nouveaux programmes d’armement, celui du maintien en conditions opérationnelles. Des augmentations personnalisées standard indigentes et qui doivent inquiéter votre commission sur la résilience de ce ministère dans lequel les compétences les plus techniques, les plus rares, s’acquièrent dans le temps long. Avec la politique salariale de l’Etat employeur vis-à-vis de ses propres agents, la conclusion est limpide : ‘‘Ca va pas le faire’’.

5600 postes de personnels civils sont à pourvoir dans le budget 2023... 25 par jour tous les jours. Avec quels services RH dépecés depuis des années de leur substance va-t-on pouvoir honorer ce contrat. Prenons l’exemple de la DGA. Pour ce qui concerne la seule année 2021, la DGA a recruté 500 ingénieurs, connus sous l’acronyme ICT/DGA. Sur la même année, 25% d’entre eux ont déjà démissionné de leurs fonctions. 25%... comme autant de signes qu’il y a un problème. Reviendra-t-on ici en 2023, penauds, pour constater que ce nombre est passé à 30, 40 ou 50% ? Par ailleurs, nous vous laissons imaginer le travail des services RH en charge de ces agents. C’est désespérant pour tout le monde. La réversibilité de l’attractivité du ministère ne se décrètera pas d’un claquement de doigts, il est encore temps d’y remédier.

Nous lisons tous en ce moment toutes les difficultés à pourvoir les postes publics. Enseignants, soignants, force de l’ordre… nous pouvons sans hésitation y rajouter forces de sécurité et leurs soutiens. Quel jeune dans de telles conditions acceptera demain de s’engager dans la Fonction Publique. Pas besoin de détenir la médaille Fields du meilleur mathématicien pour faire le calcul : une revalorisation salariale de +3,5% quand l’inflation annoncée par l’INSEE en fin d’année sera de 10%. Nul besoin de faire de l’archéologie administrative pour démontrer une réalité qui conduit l’état dans le mur : entre 2012 et 2023, l’inflation est calculée par l’INSEE à hauteur 22,8%... le point d’indice sur la même période a, lui, été réévalué de +4,7%. 20% de perte de pouvoir d’achat pour un agent public en une décennie. Les comptes ne sont pas bons et nous savons ici, toutes les conséquences : démoralisation, paupérisation, climat social tendu, situation délétère pour toute la société. Pire, cette mauvaise gestion met en danger la cohésion sociale. Quant à la préparation de l’avenir… il n’est pas seulement question de lutter contre le changement climatique, cela ne fait pas débat, mais de restaurer le capital humain de notre société. Et ce capital humain passe obligatoirement dans une démocratie par la considération de l’Etat employeur, aujourd’hui le plus mauvais employeur de notre pays, vis-à-vis de ses propres agents. Sauf à assumer un appauvrissement général, précurseur d’un effondrement de la qualité de ces services publics et celui assumé par les Armées et leurs agents, civils comme militaires, relève de la sécurité de tous et pour tous. Faut-il hélas plus cruelle réalité de ce qui se passe à 2h d’ici pour mesurer à quel point vivre dans un pays en paix est précieux ? Il y a pour l’UNSA un risque à tout cela, pire que la désolation ou la colère, c’est le découragement, la fin des vocations. Ce jour-là, il sera bien tard et comme le corbeau de la fable… ‘‘Il jura mais un peu tard…’’.

Sur la base de La Valbonne dans l’Ain, nous avons relevé ce programme baptisé ‘LIFE’ qui, grâce aux efforts en matière de protection de la biodiversité, a permis la réintroduction de l’outarde canepetière, une espèce d’oiseau menacée. Et si vous imaginiez un programme ‘LIFE’ pour les personnels civils, mesdames et messieurs les député(e)s… gageons qu’une autre espèce menacée, l’agent public dont le personnel civil des armées, pourrait faire sa réapparition. Est-il encore possible d’y croire ?

Pour l’UNSA-Défense, il est donc impératif et nous développerons ces thèmes si vous le souhaitez, de mettre en place des parcours professionnels capteurs d’une attractivité défaillante au Ministère des Armées, des parcours de carrière reconnaissant l’engagement de la communauté civile. La problématique de la mobilité est réelle, associée aux difficultés liées à l’emploi des conjoints et un parc insuffisant de logements ministériels. L’UNSA propose une formation tout au long de la vie professionnelle, adaptée aux métiers, fonctions, services et transposables d’un employeur à l’autre. La couverture mutuelle négociée en ce moment pour une prise en charge à hauteur de 50% à compter de 2024, doit, pour l’UNSA-Défense, intégrer le volet prévoyance. Encore, l’UNSA vous invite à appuyer notre demande faite auprès du ministère de négocier la mise en place de la subrogation pour les agents contractuels.

Pour tout cela, il convient de mettre en œuvre une véritable RH de proximité, réactive et efficace, notamment grâce à un point de contact unique porté par la DRHMD et l’arrêt des décisions erratiques locales ou d’employeurs zélés, on pense entre autre ici aux modalités de mise en œuvre du télétravail, plutôt aux refus de principe alors qu’existe un protocole Fonction Publique signé par toutes les organisations syndicales et le ministère des armées s’est fendu d’un guide d’application, soumis au bon vouloir, aux capricieux du visuel impératif… et toujours au détriment des agents civils. Enfin l’UNSA-Défense demande un arrêt dans le changement permanent et imposé des organisations, destructeur de cohérence et de cohésion, souvent même, pour ne pas dire toujours, initié par une autorité qui aura déjà changé entre la phase d’initiation et la mise en œuvre. Que les diseurs soient aussi les faiseurs… ce serait mieux et ce sera aussi notre conclusion.

Nous vous remercions de votre attention.

Laurent DUTILLEUL – Secrétaire général de la fédération UNSA-Défense

Laurent TINTIGNAC – Secrétaire adjoint de la fédération UNSA-Défense

Téléchargez les propos liminaires lus à la commission de la défense et des forces armées du 12.10.22