Monsieur le Directeur, Mesdames, messieurs.

Nouvelle instance, nouvelle appellation, nouvelle représentativité… nous voici invités à ouvrir ce tout premier Comité Social d’Administration Spécial du SIAé, quelques jours après le CSA Ministériel du 11 mai dernier. Bien sûr l’UNSA a quelques préalables obligatoires.

Le premier ira aux personnels du Service qui ont, pour la première fois, lors des élections professionnelles de décembre dernier, fait de l’UNSA la première organisation syndicale représentative du SIAé, allant jusqu’à déjouer les sombres augures de la participation électorale dématérialisée. C’est même le scrutin de la CAPSO de l’AIA de Cuers qui est monté sur la première marche du podium de la participation ministérielle. Ce témoignage de confiance honore toute l’UNSA, et les élus du CSA S SIAé seront dignes de cette représentativité. Ils continueront sans relâche de représenter, de défendre tous les agents de tous les statuts et de toutes les catégories, avec comme seule boussole l’amélioration de leurs conditions et leur qualité de vie au travail, leurs déroulements de carrière, leurs parcours professionnels, leur reconnaissance… Nous y reviendrons.

Le second préalable sera évidemment de ne pas passer sous silence l’épisode social que nous venons de traverser.

La date reportée de ce CSA S en témoigne. Depuis plus de 5 mois, les organisations syndicales dans une unanimité rarement observée, ont pourtant rappelé à quel point cette réforme des retraites n’était ni pertinente, ni juste, ni justifiée. La seule réponse à toutes les mobilisations, à tous les arguments opposés par les uns et les autres, le rejet massif dans l’opinion de recourir encore et toujours aux seuls leviers paramétriques que sont l’âge légal et la durée de cotisation, a été giflée par un président hors sol, un gouvernement sans conviction. Et c’est par le « muselage » des parlementaires privés de leur droit le plus élémentaire, ce recours violent socialement au dispositif 49-3, que cette loi a été pseudo votée et, comme une ultime provocation, promulguée en pleine nuit. Cette réforme votée pour légale qu’elle est, n’est pas pour l’intersyndicale, légitime et ne le sera pas. C’est donc avec un goût amer, celui d’un mépris manifeste à notre égard que nous siégeons aujourd’hui, après plusieurs mois de grève, de manifestations, de boycott des instances. Il fallait passer sous les fourches caudines des agences de notation. C’est raté, la première note de la France post réforme, a déjà régressé et les quelques milliards manquant pour passer la bosse déficitaire de 2027 n’étaient et ne restent en fait qu’un écran de fumée, une duperie, qui viennent d’être dissipés par la conclusion d’une seule agence de notation.

Avouons aussi, que rajouter une crise sociale d’une telle ampleur, au lendemain d’une crise sanitaire inédite qui, elle aussi, a révélé des inégalités sociales majeures et dont on peine encore à se relever, une crise climatique aujourd’hui irréversible et une crise économique détruisant les plus précaires de nos concitoyens, n’est pas ce qu’on peut appeler un modèle de stratégie.

Monsieur le Directeur, les agents du SIAé vont mal. La nouvelle Loi de Programmation Militaire, malgré un budget jamais atteint, « invisibilise » les personnels civils. 413 milliards d’euros, dont nous ne jugerons pas de la destination des choix en matière d’engagement opérationnel, ce n’est pas notre mandat, et pas un mot sur les difficultés d’attractivité et de fidélisation pour celles et ceux qui n’ont ni insigne, ni uniforme kaki ou bleu. C’est humiliant. L’UNSA-Défense a bien relevé le défi RH majeur qui attend les armées pour ces prochaines années : celui de l’attractivité et de la fidélisation. Raisonnablement, on ne peut pas penser que les personnels civils sont à la lisière de ces difficultés et qu’il ne faut pas consacrer une partie de ce budget inédit, à mettre en place des mesures homothétiques entre personnels militaires et personnels civils sur ce thème de l’attractivité et de la fidélisation ?

Nous sommes à quelques jours de la 6ème augmentation du SMIC depuis 18 mois, faudra-t-il attendre que l’ensemble des pieds de grilles de toutes les catégories socio-professionnelles de notre ministère en soit à ce niveau pour prendre conscience qu’il y a un truc qui cloche ? Parmi les principales difficultés de recrutement et de maintien des compétences sur le temps long, apparaissent les métiers du MCO aéronautique, nos métiers. Nous vous le disions monsieur le Directeur, les agents du SIAé vont mal et ne sont pas aveugles d’une situation économique qui évolue partout sauf pour eux, laissés en marge. Aujourd’hui, il suffit de quelques clics pour découvrir que nombre de secteurs propose des rémunérations bien plus attractives que celles que nous sommes en capacité de proposer… dans les services, la restauration, la mécanique, l’industrie bien sûr.

Si l’on avait dû donner un titre à cette déclaration, nous aurions choisi sans aucun doute : « Tu pars déjà ? ». Alors arrêtons de cacher nos difficultés de maintien de compétences derrière un phénomène générationnel, une volatilité de circonstance, le mal est bien plus profond que ça. Ces phénomènes existent bien sûr, mais qui pense ici que cette excuse est universelle et audible ? Personne. Les salaires du SIAé sont en dessous de la loi du marché et quand l’UNSA vous répète que les agents vont mal, c’est aussi parce qu’ils perdent le sens de ce qu’ils sont… ils sont déconsidérés par l’institution, les hausses successives du SMIC ont détruit les carrières des agents des catégories C et entament maintenant celles des catégories B. Les salaires à l’embauche que ce soit pour les ouvriers, les TCT, les ICT ne peuvent continuer à grignoter année après année notre crédibilité. Les avancements sont déconnectés des compétences des agents, de leur professionnalisme, de leurs efforts pour surmonter les difficultés que vous savez partout, déconnectés des besoins et de la reconnaissance du SIAé pour ses personnels, les délais de traitement des dossiers RH par notre CMG de rattachement, celui de Bordeaux, sont inadmissibles et insupportables. Nous savons bien sûr qu’il manque également des agents dans tous ces services RH, mais peut-on avoir la prétention de construire un MCO du 3ème millénaire avec des moyens du passé, indigents et indignes, des dossiers de plus en plus complexes et des réponses aux attentes des agents qui mettent des mois voire des années à leur parvenir quand elles leur parviennent. Malheureusement, les organisations syndicales vivent cela au quotidien aujourd’hui quand hier, c’était l’exception. Alors cela vous surprendra peut-être, mais l’UNSA du SIAé estime qu’un retour de la gestion RH en interne reste à ce jour une option crédible, à l’image de certains Etats-Majors pour leurs agents militaires, une option qui permettra ce liant tellement indispensable entre les agents quand le CMG met de la distance, dans tous les sens du terme.

Vous avez installé un groupe de travail sur l’attractivité et la fidélisation propre au Service. L’UNSA s’en félicite. Mais il faudra oser et nous ne nous contenterons pas de mesurettes cosmétiques. Nous savons, rassurez-vous, les difficultés liées au statut public de nos établissements et des agents. Il n’empêche, depuis 1972, le compte de commerce reverse les salaires et charges sociales de ses agents au titre II du budget des armées du fait qu’ils sont imputés sur la ligne budgétaire des crédits d’entretien programmé des matériels. Saisissez-vous monsieur le Directeur de cette souplesse de gestion pour mettre un terme à cette exclusion des agents des standards des secteurs concurrentiels.

Le Ministre évoque une Loi de Programmation Militaire de « Guerre économique ». Faut-il être ignorant au point de ne pas voir celle que nous livrent les industriels sur nos métiers les plus sensibles, particulièrement ceux du secteur aéronautique, avec des moyens d’attractivité salariale et accessoire, tels que 13ème mois… participation… prise en charge de la mutuelle… tickets restaurant… intéressement… Même l’organisation du travail qui tend de plus en plus vers une semaine de 4 jours inscrivant les attentes des salariés dans une logique écologique et de qualité de vie au travail… sans aucune comparaison possible avec ce qu’est capable d’offrir le ministère des armées ! Est-ce cela la guerre économique ? Nous avons dû rater un épisode visiblement. Doit-on attendre impuissants et spectateurs que cette guerre économique, que livrent les industriels aux métiers les plus sensibles et rares du SIAé, car eux-aussi confrontés aux mêmes difficultés de compétences que nous, finisse par dépouiller complètement les secteurs les plus technologiques de nos AIA ? Doit-on ici vous convaincre des métiers, des compétences, des expertises, des essais, du maintien en conditions opérationnelles des matériels, de la fiabilité des ressources humaines et de la paie, des études amont, de la navigabilité, des méthodes, des achats, des systèmes d’information, de la sécurité, de la logistique, de la fabrication, des études, des métiers de l’infra, de l’usinage, des nouvelles compétences en composites, etc.

Et si nous avons bien conscience que vous n’avez pas la main sur tout, les organisations syndicales ont des propositions à faire, sur bien des sujets. Elles écoutent et entendent les agents au quotidien. Osez monsieur le Directeur, faire du SIAé ce qu’il doit être : l’industriel étatique de référence auquel les agents sont fiers d’appartenir. Osez avec des propositions innovantes, étonnantes, « bousculantes », sachant concilier à la fois l’intérêt suprême de la disponibilité opérationnelle des armées et le bien-être des agents, de tous les agents.

Sénèque disait : « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles ». Nous sommes dans ce moment-là monsieur le Directeur.

Nous vous remercions de votre attention et interviendrons en séance sur l’ensemble des sujets et thèmes que vous avez portés à l’ordre du jour de ce premier CSA du SIAé.

Les élus UNSA : Laurent Tintignac / Cédric Gueirard / Emmanuel Quantin / Jérôme L’Hospital / Claude Abiven / Bruno Ossola / Thierry Krauss / / Cédric Caruana

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